Mottier Patrick
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Un peu
d’histoire…
Comme le montre cette
carte, la République dominicaine et Haïti se partagent la même île, coupée du
nord au sud par une frontière de 300 kilomètres. Cette division date du partage
effectué entre la France et l’Espagne durant la période coloniale.
Christophe Colomb découvre l’île le 5 décembre 1492. Le
conquistador est tout de suite conquis : les paysages sont somptueux, la terre
riche en fruits inconnus (goyaves, ananas, bananes), les habitants accueillants
et surtout parés de bijoux en or… Ce
sont les Indiens tainos. A l’arrivée des Espagnols, ils sont près d’un million
sur l’île. Pêcheurs et agriculteurs émérites, on leur doit le maïs, le coton ou
encore le tabac. Ce sont aussi des artistes, dont les peintures rupestres
ornent de nombreuses grottes. Mais Christophe Colomb et ses successeurs voient
surtout en eux une main d’œuvre facile à asservir. Le XVIe siècle est marqué
par plusieurs révoltes, et notamment celle menée par Enriquillo, un cacique
tainos.
Enriquillo se révolte contre les Espagnols de 1519 à 1533. Dès son enfance, il est marqué par la mort
violente de son père, tué par les Espagnols alors qu’il assiste à des
pourparlers de paix à Jaragua. Ces discussions regroupent quatre-vingt chefs
régionaux, sous la direction d’Anacaona, une célèbre reine tainos qui est aussi
la tante d’Enriquillo. Mais les soldats espagnols mettent le feu à la maison
dans laquelle se tiennent les pourparlers et tuent tous ceux qui tentent
d'échapper aux flammes. Enriquillo est alors éduqué dans un monastère à Santo
Domingo. En 1522, il déclenche une révolte dans les montagnes de
la chaîne de Bahorucco.
Les rebelles étant
avantagés par leur meilleure connaissance de la région, les Espagnols signent
un traité octroyant notamment aux Tainos le droit à la liberté et à la
propriété. Mais cet accord n’est pas respecté. Quant à Enriquillo, les
historiens divergent sur son sort: une majorité d’entre eux s’accordent à dire
qu’il était en réalité la même personne que le cacique Guarocuya, capturé et pendu.
Une minorité estime au contraire qu’il n’a jamais été capturé. Deux choses sont
certaines : aujourd’hui, le lac Enriquillo porte son nom en son honneur et
les Tainos ont été décimés. En moins d’un siècle, les travaux forcés, les
massacres, la volonté des femmes de ne pas se reproduire et les épidémies
importées d’Europe les ont fait disparaître de l’île.
Quisqueya, l’île des Tainos, s’appelle
désormais La Hispaniola (l’île espagnole).
C’est la première colonie européenne du Nouveau Monde. Fondée sur la côte sud
de l’île, la ville de Santo Domingo (qui donnera plus tard son nom à l’île) est
le siège de la vice-royauté des Amériques espagnoles. Pour exploiter les
ressources du pays, les Espagnols déportent massivement des esclaves africains.
A partir de 1505, plusieurs centaines de milliers d’entre eux traverseront
l’Atlantique pour rejoindre les plantations de canne à sucre et les mines d’or
dominicaines.
A partir du XVIIe siècle, les Espagnols se
désengagent progressivement de l’île, attirés par les richesses du Pérou et du
Mexique. Ils laissent alors le champ libre aux pirates et aux boucaniers français, qui prennent
possession de la partie occidentale du pays et fondent la future Haïti. La
partition est officialisée en 1697, par le traité de Ryswick, signé entre la
France et l’Espagne.
Un peu plus
sur les boucaniers… Avec Alexandre Olivier Exquemelin, dans Histoire des
aventuriers flibustiers qui se sont signalés dans les Indes (1686) :
Les
Caraïbes.... C'est de là que nos boucaniers ont pris leur nom. Les premiers qui
ont commencé à se faire boucaniers étaient habitants de ces îles et avaient
conversé avec les sauvages. Ainsi, par habitude, lorsqu'ils se sont établis
pour chasser et qu'ils ont fait fumer de la viande; ils ont conservé au lieu
dont ils se servaient pour cet usage le nom de boucan, et en ont retenu celui
de boucaniers.
En 1791, la révolte
des esclaves d’Haïti, menée par Toussaint
l’Ouverture, fait rapidement tâche d’huile dans la partie orientale de
l’île. Débordés, les Espagnols cèdent l’ensemble de l’île aux Français. Haïti
obtient son indépendance en 1804, mais Saint Domingue passe par une longue
période d’instabilité : le pays passe des mains des Français aux
Espagnols, des Espagnols aux Haïtiens avant d’obtenir son indépendance en 1844. Après un bref retour à la couronne espagnole,
la République dominicaine obtient définitivement son indépendance en 1865.
Au XXe siècle,
l’histoire de Saint Domingue est marquée par l’ingérence des Etats-Unis, qui
prennent le contrôle économique du pays, et la dictature sanglante du général Trujillo, de 1930 à 1961.
Devenu l’un des hommes les plus riches du monde, il est assassiné lors d’un
coup d’état militaire.
Les
parcs naturels du sud-ouest
La côte sud-ouest de
Saint-Domingue renferme trois parcs naturels : le parc national de Jaragua,
le parc national de la Sierra de Bahorucco et le parc national de l’île
Cabritos. Malgré leur proximité, les trois sites possèdent des
caractéristiques bien distinctes.
Le
parc national de Jaragua
D’une taille de 1400 km², ce secteur
protégé est le plus grand des parcs nationaux et réserves scientifiques du
pays. Il s’étend sur la majeure partie
de la péninsule de Barahona et regroupe également les îles Beata et Halto Velo.
Ce site doit son nom
aux Tainos. Les Indiens, en effet, avaient divisés l’île en plusieurs régions,
nommées caciazgos. Et la région du sud-ouest s’appelait cacicazgo de Xaragua.
La Lagune d'Oviedo (photo ci-contre) et les Îles Beata et Halto Velo
ont émergé à une époque récente, il y a approximativement un million d'années.
La température moyenne annuelle est de 27
degrés centigrades et les précipitations moyennes varient de 500
à 700 millimètres annuels.
La végétation est caractérisée par des espèces de la forêt sèche et de la forêt épineuse
subtropicale. On trouve ainsi de nombreux cactus, et toute une végétation de
régénération lente, adaptée à de hautes températures et aux faibles
précipitations.
La faune présente une grande diversité. On peut observer dans le parc de Jaragua
60% des espèces d’oiseaux reportées dans le pays (ou 130 espèces). On y trouve
aussi la plus grande population de
flamands du pays, principalement dans la lagune d’Oviedo, quelques espèces de
tortues (la carey, la tinglar, la caguamo et la tortue cerde) et de nombreux
iguanes.
On trouve enfin dans
ce parc de nombreux vestiges
archéologiques de l’époque pré-hispanique, dont le plus ancien date de 2590
A.C. Le visiteur pourra aussi découvrir pictographes et petrogliphes dans de
nombreuses cavernes (le Guanal, la grotte la Poza, la grotte Mongó).
Le parc national de
la Sierra de Bahorucco
D’une taille de 800 km², ce parc comprend des montagnes aux reliefs abrupts
atteignant jusqu’à 2367 mètres d’altitude (l’Avocat, situé près de la frontière
haïtienne). Cette région appartient à
l'Éocène Moyen : elle est approximativement vieille de 50 millions d'années.
Cette formation géologique est constituée principalement de roches calcaires
très cristallisées, dont certaines contiennent d'importantes espèces d'algues.
Le climat presente une stabilité exemplaire dans cette région stérile du sud-ouest
du pays. Il permet la présense d’une grande variété de zones de vie, allant de
la forêt sèche en bord de mer à la forêt humide et pluvieuse en montagne. Dans
les régions les plus élevées et humides, la température oscille entre 15 et 20
ºC et les précipitations annuelles entre 1000 et 2000 millimètres.
La végétation est très variée, de vastes surfaces de pinèdes à de grandes forêts
d’arbres à larges feuilles (latifoliés) en passant par quelques zones de forêts
mixtes. On trouve aussi dans cette région 52% des espèces d’orchidées du pays
(pour un total de 166 espèces). Trente-deux espèces sont même endémiques de
cette région de montagne. Au niveau de la
faune, on peut également mentionner 49 espèces d'oiseaux dont dix-neuf
endémiques.
Le
parc national de l’île Cabritos
Cette île mesure 12 kilomètres de long, pour 2,5 kilomètres dans sa partie la
plus large. Elle se situe sur le lac
Enriquillo, une étendue d’eau salée qui appartenait par le passé à un canal
qui unissait la baie de Neiba, en République dominicaine, à la baie de Port aux
Princes, en Haïti. Cette mer intérieure de 200 km² a été isolée suite à l’accumulation de sédiments
à l’embouchure de la rivière Yaque du sud.
L'Île Cabritos était
appelée Guarizacca par les indigènes. Elle servait de refuge et de centre
d’approvisionnement (essentiellement du poisson sec) au cacique Enriquillo.
Entre 1822 et 1844, durant l'occupation haïtienne, l'île et quelques territoires
voisins ont été accordés par le gouvernement haïtien à une famille française. Elle
a été déclarée parc national en 1974.
Cette île se situe à
une altitude de 35 mètres en dessous du niveau de la mer. Son sol est formé de
réservoirs lacustres marins, essentiellement des argiles calcaires
imperméables. On peut aussi y observer de nombreux coquillages marins et des
accumulations de coraux pierreux.
La température moyenne annuelle est de
quelque 28 ºC, bien qu'on enregistre parfois des températures de 50 ºC. Les précipitations moyennes annuelles sont
de 642 millimètres.
L’île compte 106
espèces de plantes, dont quelques
espèces endémiques. Parmi elles, deux cactus : le caguey (neoabottia
paniculata) et la pitahaya (harrisia spp.).
La faune est essentiellement constituée d’oiseaux et de reptiles. Parmi eux, le
crocodile américain, dont la population est l’une des plus importantes du monde
à l’état sauvage. N’oublions pas non plus deux espèces d’iguane : l’iguane
rhinocéros (photo de droite) et celui de ricord (à gauche ci-dessous). Tant le
crocodile que les iguanes sont en danger d'extinction. L’île possède enfin
quatre grandes variétés de tortues, dont la tortue à écailles. Sur les bords du
lac, on peut observer 62 espèces d’oiseaux.
Le
larimar
Le larimar est une pectolite bleue qui se trouve uniquement dans une mine du
sud-ouest de la République dominicaine, située à quelques kilomètres du village
de Bahorucco et appelée Los Chupaderos. Il est considéré comme une pierre
semi-précieuse depuis 1976. Sa coloration varie du blanc au bleu foncé pour les
pierres les plus précieuses.
La cristallisation du larimar
s’est faite à l’intérieur de cheminées volcaniques où la matière incandescente
a été poussée par le gaz. Son exploitation dépend donc de la localisation de
ces cheminées. Dernière précision : les pectolites étant photosensibles,
le larimar perd sa coloration bleue au fil des ans.
L’exploitation de la
mine de Los Chupaderos date de 1976. En réalité, le prêtre Miguel Domingo
Fuertes de Loren, de la paroisse de Barahona, demande en 1916 déjà la permission d’explorer et d’exploiter une mine
qu’il a découverte. Mais nul ne comprend ce dont il parle, et sa demande échoue.
Finalement, le gisement de larimar est découvert
en 1974, par des villageois qui ont remarqué des pierres bleu clair sur le
sable de la plage et sur le lit du fleuve de Bahorucco, qui se jette dans la
mer des Caraïbes. Ils remontent la rivière à pieds, jusqu’à découvrir le filon
au sommet d’une montagne recouverte d’une luxuriante végétation tropicale. Le
nom de larimar a été donné par l’un de ses aventuriers, Miguel Méndez, qui a
associé le nom de sa fille (Larissa) à celui de la mer (mar, en espagnol).